Une vie d'aventures
L’ardente et très secrète Miles Franklin : roman - Alexandra Lapierre - Flammarion - 2025
Australie, 1901. A seulement 20 ans, Miles Franklin, fille de fermiers du Bush, publie son premier roman sous pseudonyme masculin.
Le roman rencontre un immense succès dans le monde anglo-saxon, mais la révélation de son identité provoque un choc dans une société encore profondément misogyne. Elle tente une carrière d’infirmière puis de gouvernante, tout en rédigeant des manuscrits et en écrivant pour des journaux. Elle invente même une forme de journalisme immersif en se faisant passer pour une domestique afin de documenter les conditions de vie des femmes pauvres.
Refusant de se conformer aux attentes de son époque, elle s’exile seule et sans ressources pour les Etats-Unis. Là-bas, elle s’engage dans des luttes sociales et féministes, tisse des liens avec des personnalités modernes, milite pour les droits civils, et fonde les premiers syndicats d’ouvrières à Chicago. Tout cela sans jamais renoncer à sa passion pour l’écriture.
Trente ans plus tard, elle se réinvente sous un autre pseudonyme et enchaîne les succès. Elle utilise alors les droits d’auteurs de ses best-sellers pour créer le Miles Franklin Literary Award, démontrant ainsi son engagement envers la littérature et les créateurs. Ce prix est aujourd’hui le plus prestigieux du Commonwealth.
Alexandra Lapierre, connue pour ses portraits de femmes oubliées de l’histoire, s’intéresse ici à Miles Franklin, figure fondatrice de la littérature australienne. À travers une narration romancée, elle explore la vie tumultueuse, audacieuse et engagée de cette écrivaine du XXe siècle, pionnière du féminisme et de la création littéraire libre. Le roman est à la fois une enquête, un hommage et un manifeste féministe.
Mireille
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Interview de l'auteur ici
« Sydney, automne 1902.
- Mais qu’est-ce donc qui vous a donné l’envie d’écrire, Miss Franklin ?
Ils étaient attablés face à face, près de la fenêtre qui donnait sur Pitt Street. On entendait le bruit des tramways qui circulaient le long des grandes artères. Et surtout les sirènes des paquebots : un lointain rugissement qui, des quais de King Street, remontait dans le goulet des immeubles.
Banjo Patterson n’avait pas choisi ce lieu au hasard. L’ABC Tea Room était l’unique restaurant de Sydney où les dames pouvaient se rendre sans escorte. Les femmes étaient donc nombreuses dans la salle, seules ou entre amies. Et le décor se voulait aussi cosy qu’un boudoir. Guéridons, napperons, porcelaine fleurie et pinces à sucre en argent. La sorte de froufrou qu’il détestait. Mais qui plaisait aux jeunes filles.
Si l’idée de Patterson avait été de détendre son hôte, il en était pour ses frais. Miss Franklin n’avait nullement l’air impressionnée. Il se savait cependant très bel homme. Vêtu d’un costume anglais impeccablement coupé par un tailleur de Savile Rox. Une carrure d’athlète. Le teint bronzé, l’œil de velours… L’aristocrate du baroud, dans la force de l’âge. Trente-huit ans.
Poète, de surcroît. Et célèbre. Les regards que certaines clientes lui coulaient ne lui avaient pas échappé. Elle, au contraire, ne semblait pas s’en apercevoir.
- L’envie d’écrire ? Rien, Mr Paterson, je n’ai jamais voulu écrire, je veux chanter.
Depuis leur rencontre sur les marches du salon de thé, cette gamine le surprenait. Une cul-terreuse de Goulburn qui faisait preuve à la fois de rapidité, de bon sens et d’humour ? Le tout dans un mélange d’argot et de langage châtié ? Etonnant. »